Il y a d'abord un
message. Le message qui change tout, tout ce qui devait être une
matinée qui avait bien commencé.
Petite
vérification rituelle. Portable, messages... un en attente dans la
messagerie vocale. Étonnant, si tôt le matin. Sans savoir pourquoi,
tout cela semble déjà de mauvais augure. Je ne sais pourquoi, les
larmes montent tout de suite. Le pire est arrivé... non ?
Peut-être ? Alors, j'écoute la voix, cette voix qui est celle
des mauvaises nouvelles, celle qui annonce tout le chagrin présent
et à venir. Ce n'est pas le pire qu'on s'était imaginé. C'est un
pire qu'on n'avait même pas envisagé, tellement on était sûr,
cette fois, que ce serait la bonne, qu'enfin on viendrait à bout du
monstre qui nous dévore tous depuis trop d'années.
On
a perdu. Tous. Irrémédiablement.
La
perte m'envahit, sans pour autant avoir du sens. J'ai 3 ans. Je suis
perdue. Rappeler, savoir quoi faire, prendre des décisions, entamer
la journée qui n'est pas celle pour laquelle je m'étais levée.
Sonnerie,
voix. Je ne suis plus seule mais je découvre rapidement que cette
journée je vais devoir l'affronter en solitaire. Voyage dans les
larmes, les pensées perdues, le temps qui s'effiloche et qui n'en
finit plus de ne pas passer. Attendre le retour de ceux qui sont au
loin et qui vont venir pour m'épauler. Attendre...
Je
suis seule. Je l'étais déjà en me levant, mais brusquement cette
solitude est effrayante. Comme si mon monde avait perdu son centre de
gravité, ma tête vire, chavire, sombre, coule, se noie. Je ne sais
pas quoi faire, plus quoi faire. Il est parti, sans prendre la peine
de nous dire au revoir. Un adieu qui sonne comme un abandon.
Je
suis toute petite. Je pleure pour qu'on vienne, qu'on me rassure,
qu'on me dise que ce n'est pas vrai, que certes c'était une blague
de mauvais goût mais que c'est quand même une blague. Je tourne en
rond. J'appelle pour prévenir. Je dois voir des amis demain, je ne
peux pas arriver sans avoir prévenu celle qui nous accueille. Je ne
veux pas venir demain avec des larmes. Je veux pouvoir le temps d'une
journée oublier ma peine et vivre, faire ce qui était prévu. Je
sais qu'ensuite viendront les contraintes amères. Alors j'appelle.
J'explique. Et elle me dit de venir, qu'on passera le reste de la
journée, de cette journée interminable, ensemble.
Ensemble...
Je
ne sais même plus si je mange. Je ne peux pas, je crois. Le chagrin
remplit mon ventre, m'absorbe. Je ne pleure plus. Et j'attends de
pouvoir partir chez cette amie.
Début
d'après-midi, enfin. Je pars. Je suis prudente. Je sais que dans mon
état, conduire n'est pas vraiment une bonne idée. Arrivée, petit
raclement de la voiture contre la bordure du jardin. Bon, en somme,
c'était prévu. Je ne pouvais pas faire ce trajet et arriver
majestueusement. La journée conserve ainsi sa touche de normalité,
imparfaite.
Il
doit être 15 heures. Je ne repartirai que vers 23 heures. Un
après-midi, une soirée, passés à discuter, pas seulement de lui,
à vivre, à respirer un peu.
Attendre
minuit le retour de ceux qui étaient au loin. Une heure qui semble
ne pas vouloir finir. Je commence tout juste à me rendre compte que
je ne peux pas réfléchir. Cet état va durer presque toute la
semaine. Incapacité à lire, à dormir, à penser correctement, à
faire quoi que ce soit. Je ne sais plus ce que je fais de ces
journées. Je suis abrutie.
Le
temps s'écoule. Je ne pleure toujours pas. Je n'ai toujours pas
compris. Il n'est plus là. Tu n'es plus là. Je le sais, mais je
n'ai toujours pas compris.
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