samedi 26 juillet 2014

Jour 38 / Treize

Celle que j'étais à 20 ans est celle de la croisée des chemins. Celle qui avait tes symptômes, qui sentait son esprit lui échapper, et glisser, glisser encore. J'avais peur de tout, peur du monde, peur de ce qui se cachait tout au fond de moi. Rien n'avait plus de sens.
Je me sentais creuse et vide. Vide de sentiments. Je ne savais plus rire, moi qui aime tant cet éclat de joie. J'errais dans un monde d'ombres, de silences, de larmes.
La vie m'écrasait de tout son bruit, de toute son agitation. Elle m'épuisait. Je ne souhaitais qu'une chose : m'en retirer. Pourquoi se battre quand tout nous échappe ? Quelle était ma place ? Pourquoi, moi, je n'étais pas capable d'être comme les autres ? Qu'est-ce que ce monde qui n'en finit pas de nous blesser ? Qu'avais-je fait de mal pour en arriver là ? Quoi ?
À quoi bon...
J'avais peur de devenir lui. De finir par tellement te ressembler que moi aussi je disparaîtrais dans les abîmes du chagrin, dans ce monde qui n'en est pas un, qui nous éloigne de tous ceux que nous aimons.
Cette angoisse m'a ranimée. Paradoxalement. Je ne voulais pas devenir lui, pas être une simple enveloppe corporelle errant dans les rues, dans mon appartement, allant en cours. Je me suis raccrochée à tout ce que je pouvais. Mon esprit a cessé sa grande glissade infernale. Sans m'en rendre vraiment compte, j'ai pris le chemin du retour. Le jour où j'ai à nouveau ri, j'ai su. Su que j'avais quitté ce monde silencieux et effrayant où, toi, tu vivais. Su que j'avais retrouvé une place dans ce monde de bruits, étrange et mien aussi. Su que peut-être je pourrais te pardonner. Su que j'étais.



Je suis.



A suivre...

vendredi 18 juillet 2014

Jour 36 / Onze et Douze (Celle de 20 ans)

11

Au coin de mon cœur, elle habitait seule et perdue. Airs inachevés au coin des lèvres, regard sombre que l'on n'ose scruter, elle allait de par les rues en passant, passante parmi les passants, pensant à ce qu'elle aimait.

Une saute de vent soudaine la faisait regarder vers les nues. Feuilles mortes aux pieds, elle bruissait à chaque pas, insouciante et sévère.

On la croisait, absente parmi les présents. Elle ne parlait qu'à ceux qu'elle aimait et faisait du bruit pour les autres. Si on lui avait demandé ce qu'elle voulait, ce qu'elle aimait, elle aurait sûrement dit : "Je ne sais pas", un songe dans la voix.

Elle ne se sentait pas vivante parmi les vivants, mais simple silhouette aux contours dilués qu'une saute de vent ferait s'effacer. Mais, si un jour on l'apprivoisait, alors peut-être sortirait-elle de sa tanière... l'amour au cœur et le sourire aux lèvres.



12

La parenthèse bleue. Celle qui laisse tout couler, les mots et les larmes.
C’est une parenthèse de liberté, d’ivresse et d’absurdités.

La parenthèse bleue

C’est un moment de folie comme on en fait peu. C’est un moment d’oubli que rien ne peut combler. Je la vois cette parenthèse qui entoure entre ses bras tentateurs tous mes doutes… Tout… Tout ce que je voudrais cacher. Loin sur les terres encore évanouies de mon esprit, elle erre… et enserre mon âme. Se noyer dans ce bleu envoûtant pour oublier ce qui cause ce désarroi. Se fondre dans ses bras pour n’être plus cette chose solitaire. Chose dans le noir, qui lève la tête et ne voit que ce ciel encre de chine.

Toi qui lis ces mots, tu ne sais pas qui je suis, et moi, je ne veux pas te conter d’histoires, maigres réminiscences de ce que j’ai croisé sur ma route. La parenthèse bleue, là où tu poses tes pieds.

Me soûler de mots, subtil poison. A chaque lettre, envenimer mon esprit. Arracher le peu fictif pour croire en un ailleurs.

Et, ne rien laisser aller. Battent, battent… battent mes idées folles. Toi qui ne veux rien entendre, écoute ce murmure ensoupiré. Soupir de rire, soupir des jours. J’ai tant de mal à marcher toute seule. Si faible, si peu courageuse… je ne veux plus avoir ces maux à mots, ce silence d’absence comme si je n’existais plus. Pour toi…

La parenthèse bleue, c’est le moment où tout est détruit. Pas d’égards. Mots, tuez ce monde qui me fait tant souffrir. Vibrez de toute votre âme, crépitez sur son esprit. Détruisez tout, moi, lui, nous… Les vents déchaînés soufflent et crachent. La brume exhale un peu de chaleur pluvieuse. Un moment où tout résonne, écho de plus en plus proche. Ce sentiment d’inéluctable qui m’oppresse jour et nuit, envahit tout. Il fait si beau et tout est si malade.

Cette pourriture bleue de mon espoir, sans cesse rejeté, croît sur les pas que je laisse devant moi. Cette exhalaison parenthèsée ne connaît plus rien que la souffrance de savoir que rien ne vaut. Que tout n’est que pâle figuration de la réalité.

Tambour sur eau. Ciel d’herbes coupées. Vague traînée de têtards sur ce sol sec. Roseaux, ne pleurez plus. Je crois que cette neige sèche ne s’effacera pas. Elle a laissé tant de morceaux épars.

Rien n’est oublié et rien n’est pardonné. Mais qu’importe. Le désespoir n’est qu’un vent d’automne ennuagé qui rampe, là, à tes pieds. Et moi, seule au milieu de ce chaos bleu, tente de ne plus pleurer. Mon esprit, ce monstre tentaculaire, s’est replié. Pourtant, pourtant… Mes larmes ne sont pas loin. Tristes traces de ce qui n’est plus, ne sera pas.


Quand je lève la tête, je ne vois plus rien. Ce brouillard de pensées m’inonde, m’emplit et me vide. Ressac amer. Amertume larmée. Je ne bouge plus. Je t’attends même si tu ne viendras plus. La parenthèse bleue, je détruis et empoisonne ma vie…

Jour 35 / Détente féline...