Pourquoi moi
demeuré-je...
Je
me dis souvent que pour sauver mon père, il aurait fallu sauver le
petit garçon qu'il était. Celui qui, j'en suis certaine, était
plutôt gentil, faisait quelques bêtises et avait surtout besoin
d'être aimé. On ne peut pas bien grandir sans amour. Si je le
pouvais, j'irais le chercher pour lui dire de ne pas s'en faire, de
ne pas s'inquiéter, que les paroles de certains adultes sont sans
fondement, qu'il est mignon et intelligent. Je lui murmurerais de ne
pas oublier qu'il est attendu, qu'on va l'aimer autant qu'on peut
espérer l'être.
Ce
petit garçon si frêle, si inquiet, qui n'a jamais pu vraiment
grandir, j'aimerais être sûre que maintenant il a compris. Compris
qu'on ne peut rien attendre de certaines personnes, mais qu'on peut
attendre tout d'autres. Et que ces personnes-là sont présentes,
toujours. Elles vous tiennent par la main. Jamais elles ne vous
laissent, même quand elles sont fatiguées de vous, de vos bêtises.
Inlassablement,
Elles
reviennent,
Vagues
d'amour embrassantes.
Tu
as entendu, hein ? Est-ce que tu comprends maintenant ?
Non,
on ne disait pas pour te faire plaisir qu'on t'aimait, que tu avais
réussi ta vie. On te le disait parce que c'était vrai. On ne
t'embêtait pas par plaisir mais parce qu'on voulait que tu vives.
Avec nous et pas à côté. On voulait que tu sois heureux avec nous,
enfin heureux, que tu tires un trait sur ce qui t'avait fait tant
souffrir pour te concentrer sur ce qui t'attendait.
Oui,
oui, tu as merdé. Tant pis, je ne t'en veux pas... plus. Mais tu as
intérêt d'être heureux maintenant. Sinon, je te jure que ça va
barder quand on se retrouvera. Tu as vraiment intérêt d'être
heureux, d'être enfin en paix. Sinon, je ne pourrais pas accepter
que tu nous aies laissés. Tu es enfin libre, pas vrai ?
Alors,
va.
A suivre...