samedi 26 avril 2014

Jour 31 / Vers un ailleurs...

Pourquoi moi demeuré-je...

Je me dis souvent que pour sauver mon père, il aurait fallu sauver le petit garçon qu'il était. Celui qui, j'en suis certaine, était plutôt gentil, faisait quelques bêtises et avait surtout besoin d'être aimé. On ne peut pas bien grandir sans amour. Si je le pouvais, j'irais le chercher pour lui dire de ne pas s'en faire, de ne pas s'inquiéter, que les paroles de certains adultes sont sans fondement, qu'il est mignon et intelligent. Je lui murmurerais de ne pas oublier qu'il est attendu, qu'on va l'aimer autant qu'on peut espérer l'être.

Ce petit garçon si frêle, si inquiet, qui n'a jamais pu vraiment grandir, j'aimerais être sûre que maintenant il a compris. Compris qu'on ne peut rien attendre de certaines personnes, mais qu'on peut attendre tout d'autres. Et que ces personnes-là sont présentes, toujours. Elles vous tiennent par la main. Jamais elles ne vous laissent, même quand elles sont fatiguées de vous, de vos bêtises.


Inlassablement,
Elles reviennent,
Vagues d'amour embrassantes.









Tu as entendu, hein ? Est-ce que tu comprends maintenant ?


Non, on ne disait pas pour te faire plaisir qu'on t'aimait, que tu avais réussi ta vie. On te le disait parce que c'était vrai. On ne t'embêtait pas par plaisir mais parce qu'on voulait que tu vives. Avec nous et pas à côté. On voulait que tu sois heureux avec nous, enfin heureux, que tu tires un trait sur ce qui t'avait fait tant souffrir pour te concentrer sur ce qui t'attendait.


Oui, oui, tu as merdé. Tant pis, je ne t'en veux pas... plus. Mais tu as intérêt d'être heureux maintenant. Sinon, je te jure que ça va barder quand on se retrouvera. Tu as vraiment intérêt d'être heureux, d'être enfin en paix. Sinon, je ne pourrais pas accepter que tu nous aies laissés. Tu es enfin libre, pas vrai ?





Alors, va.



A suivre... 

samedi 19 avril 2014

Jour 30 / Sept

Aujourd'hui, près de 8 mois plus tard, tu me manques. Tu es toujours avec nous, le sais-tu ? Par moment, on recrée les phrases que tu nous aurais adressé. Succédané de ta présence, de toi...

On maudit ta famille qui ne nous laisse pas, qui ne te laisse pas en paix.

J'ai l'impression de te voir parfois. Plus jamais, tu ne me mettras en colère ni ne m'exaspéreras. Et là réside mon chagrin... Le vide, le manque, l'absence... Franchement, tu as toujours eu des idées à la con. Tu aurais pu t'abstenir pour la dernière, mais, en même temps, elle te ressemble...

Quand j'avais 18 ans, je pensais qu'à ta mort je ne te pleurerai pas. Toute la souffrance que tu m'avais infligée me faisait te haïr. J'avais tort. Les enfants aiment leurs parents, malgré tout, malgré eux, quoiqu'il arrive. Tu le savais pourtant...

Je crois que je peux vivre avec toi et ton absence. Je pense savoir comment faire. Après tout, nous ne sommes vraiment morts que quand plus personne ne se souvient de nous, ni ne parle de nous. Tant que tu seras dans nos souvenirs, nos mots, nos rires, tu seras vivant. Tu peux râler, mais c'est ainsi... Jamais nous ne te laisserons dans l'abîme, dans ce précipice du chagrin où tu t'es jeté.


Nous construirons autant de fois qu'il le faut le pont pour te ramener à nos côtés. Autant de fois qu'il le faut nous viendrons t'éveiller, rire de nos souvenirs, parler de toi. Nous voyagerons inlassablement sur ce chemin qui borde l'oubli et nous te ferons vivre. Vivre. Tu n'as pas le choix, c'est ainsi. Tu entends ? Tu peux bouder autant que tu veux, dire que je te traite comme mes élèves. Je ne te donne pas le choix. Je continuerai à t'aimer, malgré tout. C'est tout et ce n'est pas négociable. Mais de toute façon, je te connais. Tout au fond de toi, dans ce cœur rongé par les abysses, tu es soulagé, heureux que nous t'aimions, que nous soyons toujours là. Non ?


A suivre...

samedi 12 avril 2014

Jour 29 / Six

Deux mois après que tu nous aies laissés, tout est revenu. Ton départ n'était plus surréaliste, il devenait solide, se massifiait, marquait ma vie de sa présence.
J'étais furieuse. Tu ne pouvais rien me faire de pire. À cause de toi, je suis terrifiée depuis des années par l'idée que l'on m'abandonne.

Plutôt abandonner qu'être abandonnée, plutôt me faire souffrir qu'être blessée. Je n'arrive pas encore tout à fait à me débarrasser de cette idée.

Et là, là, tu nous as laissés. J'en hurlerais de rage, de colère et de chagrin. J'ai enfin pleuré, des heures durant. J'ai enfin compris que cette mauvaise blague, tu l'avais bien faite. Pourquoi tu n'as pensé qu'à toi ? Pourquoi jamais tu ne t'es mis à notre place ? Pourquoi ta souffrance valait-elle plus que la nôtre ?
Est-ce qu'on ne comptait pas ? Est-ce que je ne comptais pas ? Est-ce que tout ce j'ai fait, est-ce que tout ce que je me suis infligée n'a servi à rien ?
Écrasée, piétinée, chiffonnée, roulée en boule et jetée à la poubelle... je ne suis donc qu'une inutile.

Le chagrin, ombre noire, s'est alors dressé de toute sa hauteur. Il m'a enserré dans ses bras pendant quelques semaines. M'a figé. Glacée. Je suis devenue une poupée, visage sombre et cœur roide.

Il fallait bien accepter que tu étais parti. De toute façon, tu ne nous avais pas vraiment laissé le choix. Admettre que tu avais choisi un ailleurs.

Alors, alors, j'ai prié. Prié de toutes mes forces pour que tu soies enfin heureux. Tu nous avais quitté alors je voulais que, au moins, tu sois en paix maintenant. Libre d'aller où tu veux, de voir tout ce qui te faisait rêver. Fjords, étendues glacées, paysages à l'infini, océans déchaînés, chevaux au galop...

Je ne pouvais être apaisée qu'en pensant que tu étais enfin heureux. Pleurer et accepter. Quand on aime, il n'y a pas de conditions, pas de formulaire restrictif. Je ne pouvais plus rien faire pour toi, si ce n'est te laisser aller.

Les mots sont venus alors. Si je te laissais partir, je ne voulais pas te perdre. Lui, je le vouais aux Enfers, mais toi, tu étais, es une partie de moi. Reste pour toujours avec moi, à mes côtés. Tu ne seras pas oublié ni abandonné, quoi que tu aies pu penser. Là est la mission que je me suis donnée.

Ni oublié, ni abandonné. Juste toi, tel que tu étais. Avec toutes tes imperfections. Ne pas laisser tomber, lui. Non plus. Après tout, sans le vouloir, il a fait de moi celle que je suis. Celle qui sait comment sont les enfants mal aimés, pas aimés. Celle qui sait les ravages que cela peut faire. Je n'ai pas pu le, te sauver. Alors, eux, je ne les laisserai pas tomber, même si je ne peux pas faire grand chose, je serai là. Cela peut suffire, peut-être, parfois...


J'ai quitté le monde des absents, suis retournée vers la vie. J'ai laissé la porte entrouverte, cela dit.


A suivre...

samedi 5 avril 2014

Pause 2 / Dessin du soir


Jour 28 / Cinq

Tu sais ce que j'ai fait quand tu es parti ?

Je regrette toujours qu'il ne soit pas vraiment possible de faire des adieux qui correspondent à la personne qui nous quitte. Déposer du thé sur la tombe d'une personne qui nous apportait toujours de quoi goûter quand nous étions enfants, qui adorait ces moments désuets de discussion autour d'un bon thé et de délicieux biscuits. Pour toi, j'aurais lu pendant des heures des histoires que tu aimais. Comme une berceuse...

J'ai été acheter une bougie que j'ai laissé allumée pendant plusieurs heures. J'ai laissé le Requiem de Mozart résonner dans l'appartement. Je m'en fichais de toutes ces cérémonies conventionnelles. Si j'avais pu, jamais je n'y serais allée.
Je voulais te dire au revoir à ma façon.

La seule chose que tu m'as vraiment apprise à tes dépens est que nous ne pouvons être heureux que si nous nous sommes fidèles. Je dirais même, fidèle à l'enfant que nous étions. Ne jamais se trahir, ne jamais se compromettre, ne jamais jeter son âme. Sans cela, nous nous vidons de nous-mêmes et avançons, lourds, creux, un trou noir au fond de la poitrine. Ce trou noir qui broie toutes les saveurs de la vie, est-ce lui qui t'a emporté ?

Qu'importe si cette fidélité à nous-mêmes fait de nous des êtres imparfaits. Qu'importe tant que nous sommes heureux. Quand as-tu été vraiment heureux pour la dernière fois ? Quand ton âme toute entière a-t-elle vibré de joie ?



A suivre...