samedi 12 avril 2014

Jour 29 / Six

Deux mois après que tu nous aies laissés, tout est revenu. Ton départ n'était plus surréaliste, il devenait solide, se massifiait, marquait ma vie de sa présence.
J'étais furieuse. Tu ne pouvais rien me faire de pire. À cause de toi, je suis terrifiée depuis des années par l'idée que l'on m'abandonne.

Plutôt abandonner qu'être abandonnée, plutôt me faire souffrir qu'être blessée. Je n'arrive pas encore tout à fait à me débarrasser de cette idée.

Et là, là, tu nous as laissés. J'en hurlerais de rage, de colère et de chagrin. J'ai enfin pleuré, des heures durant. J'ai enfin compris que cette mauvaise blague, tu l'avais bien faite. Pourquoi tu n'as pensé qu'à toi ? Pourquoi jamais tu ne t'es mis à notre place ? Pourquoi ta souffrance valait-elle plus que la nôtre ?
Est-ce qu'on ne comptait pas ? Est-ce que je ne comptais pas ? Est-ce que tout ce j'ai fait, est-ce que tout ce que je me suis infligée n'a servi à rien ?
Écrasée, piétinée, chiffonnée, roulée en boule et jetée à la poubelle... je ne suis donc qu'une inutile.

Le chagrin, ombre noire, s'est alors dressé de toute sa hauteur. Il m'a enserré dans ses bras pendant quelques semaines. M'a figé. Glacée. Je suis devenue une poupée, visage sombre et cœur roide.

Il fallait bien accepter que tu étais parti. De toute façon, tu ne nous avais pas vraiment laissé le choix. Admettre que tu avais choisi un ailleurs.

Alors, alors, j'ai prié. Prié de toutes mes forces pour que tu soies enfin heureux. Tu nous avais quitté alors je voulais que, au moins, tu sois en paix maintenant. Libre d'aller où tu veux, de voir tout ce qui te faisait rêver. Fjords, étendues glacées, paysages à l'infini, océans déchaînés, chevaux au galop...

Je ne pouvais être apaisée qu'en pensant que tu étais enfin heureux. Pleurer et accepter. Quand on aime, il n'y a pas de conditions, pas de formulaire restrictif. Je ne pouvais plus rien faire pour toi, si ce n'est te laisser aller.

Les mots sont venus alors. Si je te laissais partir, je ne voulais pas te perdre. Lui, je le vouais aux Enfers, mais toi, tu étais, es une partie de moi. Reste pour toujours avec moi, à mes côtés. Tu ne seras pas oublié ni abandonné, quoi que tu aies pu penser. Là est la mission que je me suis donnée.

Ni oublié, ni abandonné. Juste toi, tel que tu étais. Avec toutes tes imperfections. Ne pas laisser tomber, lui. Non plus. Après tout, sans le vouloir, il a fait de moi celle que je suis. Celle qui sait comment sont les enfants mal aimés, pas aimés. Celle qui sait les ravages que cela peut faire. Je n'ai pas pu le, te sauver. Alors, eux, je ne les laisserai pas tomber, même si je ne peux pas faire grand chose, je serai là. Cela peut suffire, peut-être, parfois...


J'ai quitté le monde des absents, suis retournée vers la vie. J'ai laissé la porte entrouverte, cela dit.


A suivre...

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