HIVER
La
première lève le nez de sa tasse, sourit. La pose délicatement sur
la table. Ce lent mouvement vers l'avant, bras tendu vers la table,
réveille l'attention des autres.Tout aussi tranquillement, elle
s'enveloppe de son gilet, se cale dans le fauteuil, négligemment se
recoiffe. Une à une, les mèches trouvent leur place. Le soleil
lentement illumine le plancher. Le bois craque.
« Je
commence ?
Après
tout, nous sommes venues parler de lui. Non ? »
Lent
acquiescement. L'une d'entre elles se lève, relance la bouilloire.
Quelques instants plus tard, de l'eau chaude conservée dans un
thermos, des sachets de thé et des biscuits ont rejoint la table.
Des bûches brûlent dans l'âtre.
Doucement,
elle inspire, soupire, se lance...
« Moi,
je l'ai toujours vu comme une étendue glacée… dangereuse.
Prête à m'engloutir dans son enfer blanc.
Tu
vois ces champs recouverts de neige en hiver ? Avant que les
tracteurs passent et leur rendent leur caractère humain… Mmmm…
Oui, ils sont beaux. Mais moi, je les ai toujours trouvé menaçants.
C'est comme si la nature se dressait devant nous et nous rappelait sa
puissance. On dirait que le monde dans lequel nous vivions n'est plus
nôtre…
Tout
devient différent. Tout...
Et
bien, lui, je le vois comme ça. Une étendue recouverte de neige et
de glace. Belle mais mortelle. Prête à nous dévorer de son froid
ardent, prête à nous laisser geler et mourir sur place… Parcourue
par des vents glacés qui nous brisent...
Et
parfois, quand le soleil s'y lève, on peut espérer qu'il change et
nous accueille… Mais ce n'est qu'un faux-semblant. Il est toujours
une menace…
Oui ?
Je
maintiens… une menace. Prête à nous geler le corps et l'âme. »
Un
champ de glace le recouvre. Le vent souffle et délicatement fait
jouer les flocons de neige. Ils dansent et se reposent, effaçant
progressivement mes empreintes dans le sol.
La
terre crisse sous mes pas. Pas un bruit, seule cette lente entrée
dans la neige, sourde, heurtée. Ma respiration siffle un peu. Des
nuées de brume apparaissent. Arabesques exotiques. Elles
disparaissent doucement. Mes doigts se raidissent et je finis par ne
plus les sentir. Mon nez gèle. Mes orteils se recroquevillent,
cherchant un reste de chaleur.
Cette
étendue blanche m'éblouit et me grise. Je voudrais pouvoir crier,
mais ma voix reste coincée. Bloquée par ce froid qui environne
tout.
J'avance
pas à pas, avec précaution. Éviter par tous les moyens de glisser,
de perdre une fois de plus mon équilibre.
La
nuit tombe petit à petit. Le soleil se couche. Il fait de plus en
plus froid et je reste là, seule, au milieu de cette étendue
glacée.
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