mardi 3 février 2015

Jour 48 / Printemps 1

PRINTEMPS





Elle écoute, sourit, attentive, se lève un instant, ouvre la fenêtre et se perche sur son rebord. Emmitouflée dans un épais gilet, elle fume, laissant s'échapper par nuée quelques cercles de fumée. Elle écoute toujours, se déplie, recrée la bulle de chaleur, se saisit d'un geste infiniment élégant de sa tasse, va la remplir de café et s'enroule à nouveau dans le fauteuil.



« On n'a jamais pu se mettre d'accord. Pas vrai ? »



Elle se recoiffe en un chignon vague. L'une d'entre elles en profite pour se lever et recharger la cheminée. Le bois craque. Une autre part dans la cuisine, revient les bras chargés de nourriture. Toutes, elles picorent, rient quelques instants, loin de ce qui les préoccupe. Pour un bref instant, il n'est plus.



Elle se penche en arrière et soupire.



« Moi, je l'ai toujours vu comme une vague… Celle qui t'effraie et que tu recherches en même temps.

Tu arrives sur la plage, le sable commence déjà à s'infiltrer dans tes chaussures, ton sac, tes cheveux. Tu poses tes affaires, jettes tes chaussures, et marches pour rejoindre le rivage…

Je le vois peut-être comme un départ, le moment où l'on quitte le rivage et s'aventure là où on peut se perdre…

En tout cas, cette vague est là. Calme, presque inoffensive. Elle clapote doucement, fait teinter quelques notes. Quand tu la regardes, elle n'est presque rien. Mais pourtant à tout instant, elle peut se lever, grandir et t'emporter.

Je ne crois pas qu'elle puisse nous détruire, vous voyez ?

Mais nous perdre ? Je pense que oui. On peut s'y perdre. Se perdre dans ce qu'elle est, ce qu'elle miroite.

Ce petit clapotis à nos oreilles qui nous appelle. Ce chant des sirènes si beau et si mystérieux. Il est une vague fascinante. »
 

Une vague qui vient doucement s'échouer sur le rivage. Un lent mouvement d'écume qui doucement me caresse les orteils, glisse sur mes chevilles, les enveloppe puis les quitte.

Le froid me pique d'abord, m'engourdit légèrement. Petit à petit, je me détends. Je fais glisser mes orteils contre les grains de sable. J'oscille un peu, agite les bras pour conserver mon équilibre.

Je sens le soleil réchauffer mes joues, mon nez. A perte de vue, l'eau encore, toujours. Elle me grise. Je pourrais m'y perdre à jamais. Le ressac des vagues m'emporte. L'une après l'autre, elles se lancent, effacent mes traces, gravissent mes jambes. Orteils, chevilles, mollets, genoux…

Elles m'enveloppent de leur douceur, me noient dans leur monde. Le soleil les évapore. La brume monte. Les nuages se forment, blancs dans le bleu. Et j'oublie… je m'oublie.

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