Les années ont filé. Incertaines,
bancales.
Celle de 20 ans a dû faire un
choix. Elle ou lui. Pardonner ou non. Se pardonner ou non.
Je ne sais pas vraiment ce que tu es
devenu pendant ces années où je ne te prêtais plus qu'une
attention distraite. Je sauvais ma vie, en rassemblait les morceaux
épars, reconstruisait un ensemble à peu près cohérent. Elle
disparaissait. Je voulais à tout prix vaincre celle qui n'était pas
moi, celle qui me rongeait et m'empêchait de vivre. Je voulais à
nouveau avoir accès à tout ce que je suis, à toute la beauté du
monde. A tout, tout...
Pourtant, Elle réapparaissait,
réapparaît encore. Par moments. Elle redevient cette ombre qui m'a
hanté pendant des mois. Il est tellement plus facile de lui céder
que de l'affronter. Tellement plus facile de se laisser détruire par
des mots qu'on a entendu à maintes reprises. Tellement plus facile
de croire que personne ne nous attend. Tellement plus facile de ne
plus vouloir rien ressentir. Tellement plus facile de rejeter ceux
qui nous entourent et nous aiment.
J'ai compris ce que tu vivais, que
Lui n'était après tout qu'un symptôme, une apparition,
l'incarnation monstrueuse de ta souffrance. Si ce monstre était bien
là, présent dans sa cruauté, ses cris, ses colères, c'est que tu
ne parvenais plus à te battre. J'ai pu alors te pardonner. Pas à
Lui, mais à toi, le papa que j'embêtais petite, celui qui me
réconfortais, celui qui, s'il n'était pas très doué comme parent,
m'aimait.
Se battre est douloureux. Scruter la
noirceur qui nous habite, en prendre la mesure et refuser de lui
céder. Se débattre de toutes ses forces. Nager à contre-courant.
Courir dans le noir. Chuter et se relever encore.
Pour faire disparaître Elle, je
dois sans cesse retrouver le cœur qui est mien. Faire vibrer mon
âme, encore et encore. Trouver les notes qui sont miennes et
dérouler la partition...
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