samedi 23 août 2014

Jour 40 / Quinze

Les années ont filé. Incertaines, bancales.
Celle de 20 ans a dû faire un choix. Elle ou lui. Pardonner ou non. Se pardonner ou non.
Je ne sais pas vraiment ce que tu es devenu pendant ces années où je ne te prêtais plus qu'une attention distraite. Je sauvais ma vie, en rassemblait les morceaux épars, reconstruisait un ensemble à peu près cohérent. Elle disparaissait. Je voulais à tout prix vaincre celle qui n'était pas moi, celle qui me rongeait et m'empêchait de vivre. Je voulais à nouveau avoir accès à tout ce que je suis, à toute la beauté du monde. A tout, tout...
Pourtant, Elle réapparaissait, réapparaît encore. Par moments. Elle redevient cette ombre qui m'a hanté pendant des mois. Il est tellement plus facile de lui céder que de l'affronter. Tellement plus facile de se laisser détruire par des mots qu'on a entendu à maintes reprises. Tellement plus facile de croire que personne ne nous attend. Tellement plus facile de ne plus vouloir rien ressentir. Tellement plus facile de rejeter ceux qui nous entourent et nous aiment.
J'ai compris ce que tu vivais, que Lui n'était après tout qu'un symptôme, une apparition, l'incarnation monstrueuse de ta souffrance. Si ce monstre était bien là, présent dans sa cruauté, ses cris, ses colères, c'est que tu ne parvenais plus à te battre. J'ai pu alors te pardonner. Pas à Lui, mais à toi, le papa que j'embêtais petite, celui qui me réconfortais, celui qui, s'il n'était pas très doué comme parent, m'aimait.
Se battre est douloureux. Scruter la noirceur qui nous habite, en prendre la mesure et refuser de lui céder. Se débattre de toutes ses forces. Nager à contre-courant. Courir dans le noir. Chuter et se relever encore.

Pour faire disparaître Elle, je dois sans cesse retrouver le cœur qui est mien. Faire vibrer mon âme, encore et encore. Trouver les notes qui sont miennes et dérouler la partition...

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